Passengers: un voyage interstellaire vraisemblable ou pas ?

Les acteurs principaux: Chris Pratt (James Preston), Jennifer Lawrence (Aurora Lane), Laurence Fishburn (le commandant Gus Mancuso)

Réalisateur: Morten Tyldum (à qui l’on doit aussi le très bon « Immitation game », un film biographique sur le génial mathématicien Alan Turing)

Toute personne qui rêve de voir une mission habitée partir pour Mars sera curieuse de voir ce film. En effet, la conquête de la planète rouge implique, si l’on veut la coloniser, d’organiser des voyages de masse tel que celui de Passengers même si les contraintes d’un voyage interplanétaire ne sont pas tout à fait celles d’un voyage interstellaire.

Pus loin que Mars…

Mars est le prochain objectif de l’humanité, les progrès en matière de technologie et de biologie ont été si fulgurants au cours des deux dernières décennies que l’envoi d’homme vers la planète rouge n’est qu’une question de temps. Difficile à dire s’il faudra attendre 10 où 50 ans mais l’objectif sera atteint un jour, grâce aux projets d’Elon Musk, de Boeing, de Steve Bezos, de la Nasa ou d’un autre et alors l’humanité prendra progressivement possession de ces nouveaux territoires en relevant un à un les défits qui se présenteront. Et après ? Nul doute que l’expérience acquise sur Mars nous poussera vers d’autres astres du système solaire tels que les lunes de Jupiter ou des autres planètes gazeuses puis vers Pluton et les planète naines. Lorsque les horizons les plus lointains du système solaire auront été conquis par de successifs sauts de puce il faudra envisager d’aller encore plus loin, vers des étoiles autours desquelles gravitent des exoplanètes (ou des lunes) de type terrestre, vers un nouveau départ pour l’humanité… C’est une partie de cette future (aucune date, n’est mentionné ?) histoire qui constitue la toile de fond du film Passengers qui conte le voyage d’un vaisseau vers une exoplanète colonie.

Le thème du film

Un vaisseau de la compagnie Homestead s’élance vers la planète-colonie Homestead II avec à son bord 5000 colons et plus de 200 membres d’équipage. Le voyage est prévu pour durer plus d’une centaine d’années pendant lesquelles tous les passagers sont maintenus dans un état d’hibernation qui stoppe leur vieillissement. Ils n’en sortiront qu’à l’approche de leur destination. Les choses ne se passent cependant pas comme prévu pour James Preston, certains systèmes de maintenances du vaisseau sont défaillants suite à une collision particulièrement violente avec des astéroïdes et son module d’hibernation le réveille 90 ans trop tôt avec comme perspective de vivre seul et mourir de vieillesse avant d’avoir posé le pieds sur la terre promise.

Passengers est un (très bon) film de science-fiction au sens propre du terme (sans être tout à fait de la hard science…), il propose une anticipation réaliste d’une future conquête spatiale interstellaire. L’intérêt de ce film (en dehors de ses acteurs, de son esthétisme et de son intrigue) réside dans sa description d’un voyage spatiale interstellaire, il se prête bien à un passage en revue des différents éléments et de leur vraisemblance technique et scientifique (vos commentaires sont les bienvenus !)

— Attention Spoiler, à ne pas lire si vous envisager de voir le film Passenger ! ——-

Homstead: il s’agit de la compagnie qui possède le vaisseau, elle organise le voyage vers la planète Homstead II ainsi que sa colonisation. Il s’agit d’une société privée de type SpaceX qui tire de larges bénéfices de cette entreprise, chaque colon doit payer son billet et s’engage à verser une partie de ses revenus une fois installé sur Homestead II. Elle possède déjà une expérience poussée puisqu’elle a déjà organisée la colonisation de la planète Homestead (I) qui lui aurait rapporté plusieurs millions de milliards de dollars (il me semble que l’ensemble des entreprises privées terrestre n’atteignent pas ce chiffre d’affaire même s’il est cumulé sur une décennies !?). Ce film privilégie donc une colonisation organisée par des sociétés privées et non des états, la motivation en serait principalement financière (mais il n’y pas de développement sur ce point). Au vu de la situation actuelle et de la multiplication des projets privés pour coloniser Mars cette option semble effectivement la plus vraisemblable.

Le champ d’astéroïdes: au début d’une film, le vaisseau Avalon pénètre dans une zone à forte densité d’astéroïdes qu’on appelle communément en SF « champ d’astéroïdes ». Il est peut probable qu’une telle formation existe réellement dans l’espace interstellaire car même la ceinture d’astéroïdes entre Mars et Jupiter ainsi que la ceinture de Kuiper et le nuage d’Oort sont loin d’être constitués d’astéroïdes aussi proches les uns des autres. Une telle rencontre est donc hautement improbable mais pas totalement impossible, un tel « champ d’astéroïde » pourrait en effet se former suit à une récente collision entre de gros astéroïdes ou par dislocation d’une comète mais il faudrait un manque de chance inouï pour tomber dessus.

Le vaisseau: baptisé Avalon, il est constitué d’une partie centrale tubulaire où sont concentrés les éléments « vitaux » (poste de pilotage, système de propulsion…) et de plusieurs « bras » ayant la forme d’arc de cercles. Ils sont accessibles par une sorte d’ascenseur et abritent les modules d’hibernation des colons. Le vaisseau est gigantesque, sans doute plusieurs centaines de mètres ce qui est indispensable pour héberger l’équivalent d’une petite ville et de quoi faire vivre les colons à leur arrivée. Le vaisseau abrite aussi des végétaux et des animaux (James Preston s’amuse à planter des arbres au milieu du vaisseau et libère quelques oiseaux). Une structure aussi gigantesque est-elle réaliste ? En tous cas elle nécessaire pour un voyage interstellaire de 120 ans mais il est impossible d’envisager lancer un tel vaisseau depuis la Terre, il devra nécessairement être assemblé en orbite terrestre (à partir d’une gigantesque station spatiale ?) ou éventuellement sur la Lune où la gravité n’est pas aussi problématique que sur la Terre. Un assemblage en orbite aurait l’avantage d’épargner aux 5000 colons l’une des phases les plus risquée: le décollage. Même si l’explosion d’un tel vaisseau au décollage serait une catastrophe économique on imagine que la mort de 5000 colons rendrait impossible aux yeux de l’opinion publique la poursuite de la colonisation. En ce qui concerne la structure du vaisseau elle parait tout a fait adaptée, elle permet de protéger au centre les dispositifs stratégiques et vitaux du vaisseau tandis que la rotation uniforme autour de l’axe centrale permettrait d’obtenir une gravité artificielle grâce à la force centripète.

Le système de protection: le vaisseau est équipé d’une sorte de « bouclier » protecteur (un classique de la SF spatiale), il forme une sorte de barrière infranchissable englobant la totalité du vaisseau qui détruit (?) tout obstacle dangereusement proche. Une collision avec un astéroïde même de taille modérée peut provoquer une explosion d’autant plus dévastatrice que la vitesse relative est élevée, or l’Avalon est censé se déplacer à la moitié de la vitesse de la lumière ce qui rend toute collision potentiellement fatale et implique nécessairement un système de défense mais le principe du bouclier protecteur semble difficilement explicable, peut-être s’agit-il d’un plasma extrêmement chaud formant une enveloppe maintenue par un champ électromagnétique ? Dans ces conditions est-elle maintenue en permanence, ce qui permettrait aussi de vaporiser les microparticules qui peuvent finir par éroder le vaisseau ? Mais l’hypothèse de l’enveloppe plasmatique est très spéculative. Les technologies actuelles permettraient plutôt d’envisager un système de détection et de destruction des astéroïdes basé sur l’utilisation de la lasers haute puissance mais ce système ne serait pas très efficace contre les microparticules. Contre ces dernières on pourrait par exemple imaginer un bouclier « physique » constitué de métal ou de fibre de carbone situé à l’avant du vaisseau. Certes ce n’est pas très aérodynamique mais dans le vide spatiale, l’aérodynamisme n’affecte pas le mouvement.

La gravité artificielle et ses perturbations: la géométrie du vaisseau se prête bien à une rotation uniforme (vitesse de rotation constante) ce qui permet de créer une gravité apparente grâce à la force centripète qui s’exerce dans la direction perpendiculaire à l’axe de rotation et à l’opposé de celui ci. Ce système aurait l’avantage de ne consommer aucune énergie (sauf celle de la mise en rotation initiale) mais la stabilité d’une personne ne serait possible que sur une surface circulaire, ce qui ne semble pas le cas dans ce vaisseau. Par ailleurs ce système de gravitation artificielle ne pourrait être perturbé que par une modification de la rotation hautement improbable à moins que des rétropropulseurs (éventuellement une collision suivant un axe précis) ne viennent la ralentir. On peut éventuellement imaginer une technologie qui permette de modifier le champs de Higgs et donc la gravitation mais actuellement c’est de la pure spéculation. L’existence d’une gravitation artificielle dans un vaisseau est donc possible mais telle qu’elle présentée dans le film il y a des incohérence par rapport à la seule technique connue actuellement.

L’intelligence artificielle: c’est elle qui pilote le vaisseau pendant la plus grande partie du voyage puisque les colons et l’équipage sont censés être en hibernation. Elle a pour tâche de gérer la propulsion, le système de défense, les capsules d’hibernations et surtout de réaliser la maintenance du vaisseau dans son ensemble (à l’aide de quelque drones roulant). C’est elle qui fixe les priorités, et décide par exemple d’utiliser une partie des ressources du vaisseau pour limiter les effets de la collision avec les astéroïdes (au début du film) entraînant une succession d’avaries mineures mais qui s’aggravent progressivement. Elle communique avec les humains au travers de différentes interfaces mais souvent avec maladresse, sans répondre de manière efficace aux questions inhabituelles. Le développement actuel des systèmes d’exploitations et des intelligences artificielles rendent tout à fait plausible l’hypothèse d’une intelligence artificielle gérant un vaisseau spatial néanmoins, les progrès actuels peuvent laisser supposer qu’une intelligence artificielle imitant parfaitement l’intelligence humaine sera bientôt possible, elle en partie présente chez l’androïde barman mais n’apparaît pas pour les autres systèmes du vaisseau. On peut admettre que l’intelligence artificielle soit bridée dans certains cas, en particulier son aspect humain afin d’éviter des maladresses humaines voire des névroses (comme celles de Hal dans le film 2001 l’odyssée de l’espace).

La durée du voyage: Le voyage de la Terre à Homstead II est censé durer 120 ans. Nous savons que l’étoile la plus proche du Soleil est à environ 4 années-lumière (Proxima du Centaure), les autres voisines en sont à quelques dizaines par conséquent un voyage qui se fait à la moitié de la vitesse de la lumière (sans prendre en compte la phase d’accélération au début et la phase de ralentissement à la fin) devrait avoir une durée environ deux fois plus élevée que la distance soit quelques dizaines d’années. La durée de 120 ans est donc tout à fait réaliste à condition que les systèmes de maintient en vie des passagers puissent être adapté à cette durée. Il y a cependant une certitude de taille, cette durée de 120 ans est-elle relative à un observateur terrestre ou à un voyageur ? En effet, d’après la théorie de la relativité générale le temps ne s’écoule pas de la même manière pour deux observateurs en mouvement relatif. Cette différence est négligeable pour des mouvements à échelle humaine mais pour des vitesses proches de la lumière il faut en tenir compte. Un voyage à moitié de la vitesse de la lumière implique un rapport d’environ 1,15 entre les deux durées. Si 120 ans est la durée pour un voyageur alors sur Terre elle sera de 120 x 1,15 soit 138 ans, inversement, si 120 ans est la durée relative à terrien alors un voyageur ne percevra qu’une durée de 120 : 1,15 soit environ 104 ans.

L’hibernation: l’homme n’est pas un animal qui hiberne, il ne possède pas les fonctions biologiques qui permettent de le faire naturellement. Par ailleurs des animaux comme la marmotte ou l’ours possèdent cette faculté mais ils ne peuvent pas hiberner pendant 120 ans ! L’hibernation dont il est question dans le film, exploitent donc des processus encore inconnus où mal maîtrisés mais qui ne sont pas totalement inenvisageables, il existe des organismes capables de limiter leur activité biologique pendant de longues périodes en attendant des conditions meilleures (en général de petite taille). L’hibernation n’est donc pas tout à fait invraisemblable mais elle nécessite des progrès en biologie ou des modifications génétiques de l’homme cependant il s’agit de la solution la plus avantageuse. Elle permet de limiter (voire d’annuler ?) les besoins en nutriments des passagers et donc d’économiser la nourriture et l’air, elle permet aussi surtout d’éviter tous les problèmes individuels (psychologiques) et collectifs (conflits, émeutes, formation de clans) qui pourraient naître au sein d’un groupe isolé pendant des dizaines d’années. Par ailleurs il est difficile d’imaginer d’autres options à moins:

  • de prolonger la vie de l’homme de plusieurs centaines d’années (grâce au transhumanisme)
  • d’organiser le voyage sur plusieurs générations.
  • d’imaginer une procréation artificielle et automatisée avec des nourrices androïdes quelque dizaines d’années avant l’arrivée.

Les deux dernières suggestions sont terrifiantes puisqu’elles impliquent d’imposer à de futurs enfants la colonisation d’un nouveau monde qu’ils n’ont pas choisi, par ailleurs ces options ne permettent à aucun Terrien d’espérer arriver lui-même sur une autre planète.

L’histoire de Passengers repose sur la panne d’un module d’hibernation et le réveil prématuré d’un voyageur. Aucun système n’étant fiable à 100% une telle panne, même rarissime, devrait rester possible néanmoins, il est cependant peu vraisemblable qu’aucun module ne permettent de replacer en hibernation un voyageur réveillé par accident ou volontairement. Même si la procédure est complexe un androïde devrait être capable de la réaliser et par mesure de sécurité l’intelligence artificielle du vaisseau devrait permettre de réveiller des membres compétents de l’équipage en cas de crise puis les remettre en hibernation.

 

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